«L’artiste, c’est quelqu’un qui arrive à nous faire aller là où on n’était jamais allé encore.»
Les mots sont de Sylvie Paquette, et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’auteure, compositrice et interprète montréalaise a elle-même su mille fois, au cours des quinze dernières années, nous emmener en des territoires complètement nouveaux. Depuis Soul propos, ce premier album lancé en 1993 et qui portait des titres tels J’fais le trottoir, coécrite avec Luc De Larochellière, ou L’été en ville, un quasi récitatif rappelant Lucien Francœur, elle n’a cessé de mener une quête artistique sans compromis, refusant les recettes sonores, allant au bout de rencontres singulières et osant parfois faire de longs détours, en d’autres mots prendre son temps, pour ne pas trahir les motivations profondes de sa démarche.
Oser, voilà d’ailleurs le titre du deuxième album de Sylvie Paquette, qui allait lui assurer une place parmi nos créateurs qui comptent. Aujourd’hui considéré comme son projet le plus rock, Oser était fait de morceaux comme Panne d’amour, J’te quitte ou j’t’attends et la pièce-titre, un grand succès radio. Avec ce disque, ainsi que le spectacle qui l’accompagne, l’arstiste s’est par ailleurs mérité le prix Félix-Leclerc lors des FrancoFolies de Montréal, en 1997.
À l’été 1998, Sylvie Paquette remettait ça, aux FrancoFolies de La Rochelle cette fois, donnant un spectacle solo devant quelque 10 000 personnes aussitôt conquises, en première partie du groupe Louise Attaque, alors au sommet de sa popularité. «Le public nous rend plus grand que soi», croit celle qui, à cette période, va connaître de grands bonheurs scéniques, se produisant à travers la province, en outre sur les planches du Festival d’été de Québec, et jusqu’au Bataclan, à Paris.
En 2001, le disque Souvenirs de Trois marquait un temps fort dans l’évolution de Sylvie Paquette. Au fil de rencontres fécondes, avec Jean Fauque (auteur de la chanson-titre), Marc Chabot, Larry Klein, la rappeuse J. Kyll ou Daniel Bélanger – qui n’a pas dans l’oreille le bouleversant duo Garde-moi? –, la chanteuse conjuguait des accents à la fois oniriques et très contemporains à une approche mélodique fuyant le prévisible. Souvenirs de Trois est réalisé par Rick Haworth et Borza Ghomeshi, un complice de la première heure. En parallèle de ses propres tournées et enregistrements, Sylvie Paquette met son grain de sel dans les projets de plusieurs artistes. Luce Dufault, par exemple, signant quatre des musiques de l’album Bleu (2004), ou encore Catherine Durand, avec laquelle elle a créé Nulle part, qui apparaît sur Diaporama, le plus récent disque de cette dernière. Sylvie Paquette a également contribué à l’album Sur le fil de Stéphanie Lapointe, composant la musique de Dis-moi, écrite par Martine Coupal.
En novembre 2007, Sylvie Paquette fait paraître TAM-TAM, fruit d’un travail en tandem avec Daniel Bélanger, arrangeur de l’album et son coréalisateur avec Paul Pagé. Entourée d’une équipe qui ferait l’envie de n’importe quel artiste, équipe dont font partie, au premier chef, les paroliers Martine Coupal, Dave Richard, Frédérik Baron, et Allain Leprest, Sylvie Paquette nous emmène une fois encore là où nous n’étions jamais allés…
Et en mars 2013 Sylvie Paquette nous offrait Jour de chance, un excellent album acclamé par la critique. C’est aux cotés de deux réalisateurs-arrangeurs orbitant dans des galaxies différentes, Philippe Brault et Éric Goulet, que la compositrice-interprète a tissé la trame de ce disque qui forge sa beauté dans le dépouillement. Parallèlement à sa tournée de spectacles, Sylvie a eu le grand plaisir de prendre part au projet livre-disque de Chloé Sainte-Marie intitulé À la croisée des silences. Ses talents de compositrice l’ont amené à mettre en musique des poèmes de Hector de Saint-Denys Garneau, Patrice Desbiens, Roland Giguère, Paul-Marie Lapointe et Anne Hébert.
Cette dernière inspire véritablement Sylvie Paquette, qui mûrit presque secrètement un projet d’album autour des écrits de cette grande poète. Après avoir célébré les Douze hommes rapaillés de Miron, retrouvé les vers de Roland Giguère dans les voix de Chloé Sainte-Marie et de Thomas Hellman… Le temps est venu de chanter les mots puissants et la poésie ciselée d’Anne Hébert, dont on commémore en 2016 le centenaire de naissance. Avec son album Terre originelle, Sylvie Paquette cueille les poèmes qui s’offrent à elle dans le plus grand respect des textes, avec beaucoup d’instinct et la complicité de Philippe Brault et Yves Desrosiers (réalisation et arrangements). Avec la méticulosité d’une orfèvre, elle les enveloppe de mélodies ramenées à l’essentiel. Embrassant la douleur et l’extase qui traversent l’œuvre de la poète, Sylvie Paquette nous fait pénétrer dans un espace à la fois profane et sacré qui continue de provoquer fascination et émerveillement.